Dieu et Allah se sont réconciliés en Mauritanie. Désormais ce sera le samedi et le dimanche qui seront chômés et plus le vendredi, samedi. Dommage, cela donnait un petit air de différent, de pas pareil. Cela me procurait une certaine impression, d’inconfort, de résistance à l’habitude que le temps parfois nous fait prendre. Ce sentiment toujours étrange d’être au moins le temps d‘un jour en décalage du reste du monde.
C’est donc un travail de dimanche soir que celui de l’écriture.
Qu’est ce qui fait qu’il est parfois dur de prendre le plis, de s’habituer à certaines choses, à certains rythmes. Une nature humaine intime, bâtie de son histoire personnelle, enlacée de carcans silencieux, recouverte d’une culture conquérante. Finalement, est ce que la partition d’une vie n’est pas faite de ces lignes tendues et figures imposées entre lesquelles nous n’avons d’alternative que celle de jouer au parcours du combattant à la recherche de notre plaisir ou bien subir ou mourir.
Le vent s’est levé dans la nuit. Malchanceux celui qui avait laissé les fenêtres ouvertes… Un souffle de Nordeste a soulevé les plus fines des particules du désert, et les a transportées violemment vers le grand large d’un Atlantique devenu hostile pour quelques heures. Il n’a pas oublié de marquer d’une empreinte dorée chaque objet posé de ci et de là, comme une ombre figée attendant un nouveau souffle. Ce vent s’immisce dans Nouakchott apportant avec lui les radiations irritantes d’un air brûlant d’avoir, des jours durant, été au contact des étendues infinies de sables et de pierres. Les lumières des maisons se font plus douces à mesure que l’intensité électrique baisse faute pour l’homme du désert de pouvoir satisfaire aux besoins d’atmosphères réfrigérées de tous ses compatriotes devenus subitement modernes.
L ‘océan est chaud mais si triste d’un mariage de circonstances qui fait pâlir ses couleurs, d’habitude si vives, si opposées à ces pastelles éphémères. Le ciel souffre, du petit matin au soir tombé, de ne pouvoir offrir que les contours voilés d’un soleil espiègle, sans pouvoir dissiper ce buvard de sable et offrir au regard une érotique dentelle de clarté. Astre jaloux aujourd’hui de n’être plus le Roi source, relégué au jardin alors que la pièce se joue côté cours.
Les khaimas (tentes berbères installées sur les toits ou dans les jardins) arrachent leurs liens au sol, les buissons d’épineux roulants brûlent la priorité sur les pistes, les boubous des hommes maures et les melafas des mauresques deviennent des refuges providentiels et si peu esthétiques portés de la sorte, recouvrant leurs têtes.
C’est dans une léthargie passagère, et bien compréhensible, dans laquelle sombre alors la population que s’inscrit sûrement une forme de salut, emprunte de sagesse, mûrie depuis les temps ou naquit la tradition, et qui tient à l’écart toute agressivité ou soubresaut d’humeur ; en attente de l’accalmie espérée d’un lendemain.
La saison des pluies, des vents chauds commence. Elle m’accompagnera très certainement durant ces dernières semaines en Mauritanie avant que je ne retrouve pour un temps les airs tempérés de latitudes que j’espère plus accueillantes parce qu’elles vous y trouvent. La nécessité d’y terminer ce pourquoi je suis venu a eu raison d’une amputation temporelle de cette saison de peine qui aurait rendu mon esprit bancal et insatisfait.
J’ai retrouvé, depuis quelques jours, une ville Nouakchott non seulement vidée de ses habitants, calfeutrés chez eux, mais également de mes compagnons de route, Tèje, parti vogué sur les flots du Gange et Antonio. Comme si il me fallait déjà m’habituer au détachement inexorable dont je serai le sujet au fur et à mesure que l’investissement amical de ceux qui restent diminuera voire s’effacera, et m‘habituer à une forme de solitude. Pourquoi est elle si peu élégante les soirs de dimanche ?
Finalement, et à nouveau, il va falloir virer de bord et quitter cette route s’éloignant ainsi d’un rivage sur lequel je laissera prêt de vingt deux mois de mon existence, des succès et des échecs, des heureux et des déçus, des rires et des larmes, des arrivées et des départs, des secrets et des impudeurs…Tout ce que l’humilité me commande de ne voir que comme la trace d’un végétal sur le sable qui s ‘efface aux premiers vents de sable chaud…
Fin du 19ème mois passé en Mauritanie.
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