Ce soir, la plage est déserte. Pas la moindre âme qui déambule le long de la plage de Nouakchott. Pas une seule de ses ombres élancées qui parcourent au loin inlassablement des kilomètres le long du littoral, pour qui, pour quoi ? J’y suis seul.
Le soleil tombe lentement dans un amas coloré de couches nuageuses de saison posées sur l’horizon.
Il y a déjà plus d’un an, j’arrivais en Mauritanie.
Vous aurez compris par mes silences littéraires que j’ai plus vu les murs de mon bureau ces derniers mois que les courbes minérales du désert ou les déferlantes de l’Atlantique qui viennent mourir sur les immenses plages de sable après un long voyage. Cette missive se limitera donc à quelques nouvelles de ma petite pomme et pour une fois ne sera pas une invitation au rêve, ou une fenêtre ouverte. En plus de quelques excuses pour un certain retard dans mes correspondances.
Je suis fatigué mais je vais bien. Cinq mois et ce sera la fin de ma mission ici. Et encore tellement de luttes…
J’aurai finalement avec toute l’équipe ici et à Paris réussi à introduire correctement la trithérapie en Mauritanie et faire sortir du sable un Centre de Traitement Ambulatoire qui assure une prise en charge globale des malades du Sida. Premier centre de ce type dans un pays musulman à influence arabe prédominante. Et si il est trop tard pour mon ami Francisco, les premières personnes qui courageusement s’y rendent en bravant les regards et les réactions stigmatisantes sont, comme vous pouvez l’imaginez, la seule récompense qui m’intéresse pour tout ce travail fourni.
Je ne serai pas totalement honnête si j’omettais également de préciser que l’inauguration de ce centre le 1er décembre par le Président de la Croix Rouge Française en est une également. Un grand, très grand Monsieur. Travailler pour des personnes que l’on admire constitue déjà pour moi l’un des fondements du plaisir à faire tout cela. Au rendez-vous du travail de son équipe, tout en naviguant dans les sphères du pouvoir et du protocole, sachant garder humanisme et humilité, certains, hélas trop rares, ont en eux les vertus qui devraient toutes baliser nos vie pour les rendre meilleures.
Renforcer désormais le dépistage, le secourisme et les bidons villes de Nouakchott seront pour les mois à venir les quelques cibles avant que je ne passe l’arc à un ou une autre.
Et aussi et surtout accueillir ceux qui s’annoncent ici et qui viennent enrichir notre univers de partage.
Je n’ai d’envie que celle de me souvenir des rencontres et des moments passés depuis plus de deux années de voyages. J’y entr’aperçois tant de manques, tant de choses à changer chez moi, tant de plaisirs encore à assouvir. L’importance de dessiner un quotidien serein aux milieux de mes rêves. Une porte ouverte à ceux qui le souhaitent. Mais il me faudra d’abord prévoir ce retour au camp de base, vous y retrouver, prendre du temps pour moi, pour vous. Etape ou escale que j’appréhende bien que j’y vois l’assurance réconfortante de votre présence.
La petite lucarne de TV5 m’offre déjà quelques travellings le long des grands boulevards enluminés qui me rappelle si besoin que nous sommes déjà à Noël. Alors permettez moi de vous souhaiter à toutes et tous de chaleureuses fêtes de Noël et de fin d’années. Vu du côté de ce monde, je ne m’aventurerai pas à souhaiter que quelque chose s’y améliore mais me limiterais au simple vœu de vous croiser sur ma route très bientôt.
Je pense à vous tous, en France, à Saigon ou ailleurs.
Je vous embrasse
Vincent
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