Thursday, June 17, 2010

السَّلاَمُ عَلَيْكُم


On sait tous qu’au fil de nos vies, certaines rencontres comptent plus que d’autres sans pour autant que l’on puisse leur attribuer toujours quelque signe objectif d’une alchimie interpersonnelle. Simple fruit du hasard, d’une prédisposition de deux êtres à un instant donné, d’une attirance amicale voire amoureuse ou  bien issue d’une déférence respectueuse ou admiratrice, j’ai toujours pensé que ces liens tissés contribuaient puissamment à l’existence d’une histoire, d’une émotion, d’une vie.


Ceux du voyage, humanitaire ou non, savent comment ces liens se tissent, comment l’on s’attache, comment chaque séparation est cruelle et injuste. Et le sentiment nomade, l’usure de l’émotion, au fil du temps, au gré des frontières franchies et des horizons atteints ne sont que des carapaces imparfaites á la tristesse. Dans ces vies d’humanitaires, nombreux sont ceux qui auront en mémoire, et en mémoire seulement, un, deux, trois, peut être plus sans jamais être foule, ceux avec qui l’on a gravé la tablette d’une parenthèse commune.

Et ma parenthèse dont il s’agit ici prend toute sa valeur justement dans cette tablette d’ardoise que les jeunes élèves des Madrasas utilisent munis d’une craie pour apprendre les lettres de l’alphabet arabe et réciter ensuite d’une voie aigue les versets du Coran.

J’ai connu Arbi Ould Taleb lendemain de mon arrivée à Nouakchott.

Je pourrais ici narrer nombre d’anecdotes qui jalonnèrent ces deux années passées en Mauritanie avec Arbi dans mon équipe. Je pourrais ici peindre l’immense palette des vertus de cet homme. Je pourrais ici décrire l’émoi des mes sens dans les nombreux voyages que nous fîmes lui et moi au pays du peuple couché.
De Nouakchott à Kiffa, de Atar à Chinguetti, De Nouadhibou à Zouerate. Sur le sable ou le goudron. Arbi a sillonné les déserts mauritaniens, comme peu l’ont fait.

Mais le plus beau voyage que nous avons parcouru ensemble fut sans nul doute celui, non sans embuche, du respect, de l’initiation et de l’admiration réciproque.

Merci Arbi pour m’avoir fait passer la passe d’Almojar, pour m’avoir initié aux valeurs de l’Islam et de l’humanisme, pour avoir pris soin de moi. Merci Arbi pour m’avoir conseillé et guidé avec sagesse, patience et justesse et m’avoir initié au désert.

Quelques jours avant mon départ et après deux années en Mauritanie, Arbi n’a pas répondu à ma question de sa présence pour me conduire à l’aéroport me laissant dans l’expectative. Mais le jour même, fier et triste et sans mot dire il pris le volant du Pajero et me conduisit jusqu’ à la passerelle de l’aéroport. Je me souviendrais à jamais des yeux d’Arbi perdu dans son turban, qui pudiquement me serra dans ses bras.

Arbi, le bandit, a rejoint les vents qui soufflent au delà des dunes de Néma á Timbédra, de Tichit á Oualata. Puisse Allah lui ouvrir les portes de son royaume.