Monday, December 13, 2004

Furtive de Nouakchott

Ce soir, la plage est déserte. Pas la moindre âme qui déambule le long de la plage de Nouakchott. Pas une seule de ses ombres élancées qui parcourent au loin inlassablement des kilomètres le long du littoral, pour qui, pour quoi ? J’y suis seul.
Le soleil tombe lentement dans un amas coloré de couches nuageuses de saison posées sur l’horizon.
Il y a déjà plus d’un an, j’arrivais en Mauritanie.
Vous aurez compris par mes silences littéraires que j’ai plus vu les murs de mon bureau ces derniers mois que les courbes minérales du désert ou les déferlantes de l’Atlantique qui viennent mourir sur les immenses plages de sable après un long voyage. Cette missive se limitera donc à quelques nouvelles de ma petite pomme et pour une fois ne sera pas une invitation au rêve, ou une fenêtre ouverte. En plus de quelques excuses pour un certain retard dans mes correspondances.
Je suis fatigué mais je vais bien. Cinq mois et ce sera la fin de ma mission ici. Et encore tellement de luttes…
J’aurai finalement avec toute l’équipe ici et à Paris réussi à introduire correctement la trithérapie en Mauritanie et faire sortir du sable un Centre de Traitement Ambulatoire qui assure une prise en charge globale des malades du Sida. Premier centre de ce type dans un pays musulman à influence arabe prédominante. Et si il est trop tard pour mon ami Francisco, les premières personnes qui courageusement s’y rendent en bravant les regards et les réactions stigmatisantes sont, comme vous pouvez l’imaginez, la seule récompense qui m’intéresse pour tout ce travail fourni.
Je ne serai pas totalement honnête si j’omettais également de préciser que l’inauguration de ce centre le 1er décembre par le Président de la Croix Rouge Française en est une également. Un grand, très grand Monsieur. Travailler pour des personnes que l’on admire constitue déjà pour moi l’un des fondements du plaisir à faire tout cela. Au rendez-vous du travail de son équipe, tout en naviguant dans les sphères du pouvoir et du protocole, sachant garder humanisme et humilité, certains, hélas trop rares, ont en eux les vertus qui devraient toutes baliser nos vie pour les rendre meilleures.
Renforcer désormais le dépistage, le secourisme et les bidons villes de Nouakchott seront pour les mois à venir les quelques cibles avant que je ne passe l’arc à un ou une autre.
Et aussi et surtout accueillir ceux qui s’annoncent ici et qui viennent enrichir notre univers de partage.
Je n’ai d’envie que celle de me souvenir des rencontres et des moments passés depuis plus de deux années de voyages. J’y entr’aperçois tant de manques, tant de choses à changer chez moi, tant de plaisirs encore à assouvir. L’importance de dessiner un quotidien serein aux milieux de mes rêves. Une porte ouverte à ceux qui le souhaitent. Mais il me faudra d’abord prévoir ce retour au camp de base, vous y retrouver, prendre du temps pour moi, pour vous. Etape ou escale que j’appréhende bien que j’y vois l’assurance réconfortante de votre présence.
La petite lucarne de TV5 m’offre déjà quelques travellings le long des grands boulevards enluminés qui me rappelle si besoin que nous sommes déjà à Noël. Alors permettez moi de vous souhaiter à toutes et tous de chaleureuses fêtes de Noël et de fin d’années. Vu du côté de ce monde, je ne m’aventurerai pas à souhaiter que quelque chose s’y améliore mais me limiterais au simple vœu de vous croiser sur ma route très bientôt.
Je pense à vous tous, en France, à Saigon ou ailleurs.
Je vous embrasse
Vincent

Wednesday, August 11, 2004

Histoire de pélerin

Il pleut sur Nouakchott.

Un rapide coup d’œil sur un atlas et je vous entends déjà me dire: quoi de très surprenant à cette période là de l’année, sous ces latitudes proche des tropiques, à une saison que l’on nomme quelque soit la langue locale usitée « la saison des pluies » ou plus joliment l’hivernage ? Certes, mes amis, la capitale de ce pays aride connaît en ce moment quelques précipitations éparses. Et si encore c’était l’intensité surprenante des orages ; à l’image de ceux qui m’ont tant fait aimé Saigon certains soirs sur les toits, ou bien chevauchant ma mobylette ou alors me baignant dans une piscine sous la lumière des éclairs. Il n’en est rien.
Il pleut même des dattes cette année en abondance, dans les oasis, à l’intérieur du pays - c’est la raison pour laquelle cette parenthèse estivale nommée aussi la Guettna, temps de la récolte des dattes, donne des airs de pèlerins aux broussards mauritaniens qui migrent sous les tentes installées entre deux dunes inondées de vents frais quand tombe la nuit.
Les vents de sable chaud venus de Libye ou du sud algérien déposent bien une fine couche de poussière d’or mais cela n’est seulement qu’un crachin d’un genre particulier.
Mais non. Ce n’est aujourd’hui ni l’une ni l’autre de ces intempéries.

Cette pluie là ne s’est pas annoncée. Quoi que… Ce matin là, un souffle d’air brûlant, irradiant presque la peau, sous un ciel d’une couleur sable éblouissante faisait prédire quelques broussards l’arrivée de ce qui fut jadis qualifiée de plaie dans l’Egypte antique.
Des nuages noirs dans un ciel blanc. Il ne manque qu’une symphonie de Bach ! Les criquets.
Telle une armée en rangs serrés, ces fantassins d’une bataille qui leur est inexorablement acquise progressent de branche en branche, d’arbre en arbre, de quartiers en quartiers, dans un bruits sourds et kafkaïen de pluie de feuilles, de branches qui tombent sous le poids des essaims, de mâchoires qui coupent et broient tout ce qui est vert et tendre.
Les questions alors s’enchaînent : quand vont ils partir, que va t’il rester d’une végétation déjà éparse….et mon jardin !! Moi qui avais visité quelques dizaines de maisons avant de porter mon choix sur celle-ci justement à cause des arbres et des plantes qui y poussent et procure une ombre, havre de fraîcheur par ces températures caniculaires ! Et toutes mes tentatives grotesques et risibles de les y empêcher auront été vaines !
Et bien il n’en reste presque plus rien. Quelques basses branches ont échappé à l’appétit dévastateur et aveugle de ces petites bêtes qualifiées – non sans ironie – de pèlerins. Mais c’est bien tout…
Que dire très vraisemblablement des cultures…

Et Dame nature encore plus surprenante a recouvert depuis la mer et les plages d’une couche de 10 à 20 centimètres de criquets morts, comme pris au piège d’un péché de gourmandise, prochaine et ultime étape du chemin de croix animalier, celle-ci fatale. Encore un mystère que cette fin étrange d’une partie de la colonie qui le ventre plein finit, là, sans explication. Aussi mystérieuse que la mort de dizaines de dauphins et tortues venus s’échouer le mois dernier sur cette même plage.

Ces deux jours d’invasion m’ont confirmé, avec un léger soupçon de traumatisme version Hitchcock, qu’il y avait encore bien des découvertes même macabres à vivre sur cette petite planète et bien des désastres dont je n’imaginais pas l’ampleur ; et que ma vie n’est encore que celle d’un jeune puceau qui commence à peine à éclore au gré de quelques voyages à aller glaner des bribes de ressenti et de vécu dans des pays et des situations teintés d’exotisme.

Autre sujet, autre fléau… j’ai depuis quelques mois pris, avec d’autres, le bâton de pèlerin – décidément ! - du traitement des malades du Sida en Mauritanie. Ce passage de la prévention au traitement m’a jeté à la face les réalités tragiques des malades, de cette maladie, d’un système de soins sidérant, de la lutte, de l’Afrique… Rencontre avec moi même, avec des hommes et des femmes, avec les visages admirablement souriants, forts et courageux de la maladie.

Mais de rencontres je ne retiendrais ici que trois merveilles que la vie m’a offertes comme un cadeau unique depuis quelques mois et dans lesquelles j’ai eu la chance de pouvoir puiser le meilleur du partage, de l’humanisme, de la camaraderie et je crois sincèrement de l’amitié. Trois mecs de grande classe, comme leur acharnement à faire ce qu’ils font, comme les projets dont ils sont animés et qui me font penser qu’à coté d’eux et de vous, bien des intempéries de toute nature peuvent encore passer, la vie se promet aussi d’être douce.

Salut Jean Jacques, bon alizé caribéen – que j’espère tant naviguer ensemble ! Tu me manques !
Bonne suite de voyage marocain à Tèje et bonnes vacances à Antonio, revenez moi vite !

Fin de mon 10ème mois à Nouakchott.

Je pense à vous.
Amitiés
Vincent

Monday, May 31, 2004

Brise de mer...

Il souffle sur Nouakchott un vent estival universel qui pousse les enfants hors des cours de récréation, les adultes sur les routes de leurs villégiatures de toile, le soleil à son zénith. Fidèles à ce qu’ils sont depuis la nuit d’un temps ancien, une partie des mauritaniens, broussard dans l’esprit, ses coutumes, sa vie tout simplement, va transhumer vers les oasis pour être prêt à temps pour la récolte des dattes. Le pas du matin se fait buissonnier, nonchalant.
Une frange du monde se prépare à mettre entre parenthèses un peu de son passé, quelques réalités constantes d’un futur proche pour vivre un présent délassant, en vacances d’une actualité meurtrie. A quoi bon remettre sur le devant de nos velléités quelque résolution, quelque objectif qui souvent égrainent, au fil des mois qui passent, leur lot de culpabilités sociales. L’été n’aurait il pas aussi été conçu pour être en vacances de nous même, à la marge de nos obligations ? Pour réaliser cet exercice d’équilibrisme de prendre du temps pour soi en s’intéressant aux autres ? Curiosité de la nature et du temps que ces mois soient également ceux des premières vendanges et des moissons, que les greniers de nos âmes se remplissent, tels les silos, de vigueur, de force, de positivisme. Enfilons donc nos panoplies de vagabonds…

Flânant chez un libraire continental fort bien achalandé, je croise sur une couverture le regard atemporel d’un homme qui me donna parmi les plus belles pages littéraires qu’il m’ait été donné de lire. Récits d’un homme aux exploits maritimes, né aux temps des colonies que je ne regrette, que par ce qu’elles marquaient les passeports – et surtout les existences - d’un « né à Saigon », Port aux Français, La Goulette ou Alger. Et je partage au fil des pages le récit de femmes et d’hommes narrant leur rencontre et leurs échanges parfois simplement épistolaires avec cet homme. Il n’y a de paradoxe entre le souvenir si vivant de Bernard Moitessier et son bateau qui n’a plus de sillage, car sa mémoire est active, créatrice, marquante et tranche telle l’étrave dans la vague bon nombre de mélancolies.
Savoir sans donner de leçons, connaître par l’essai, croire en une utopie parce qu’elle est juste. Ni guru, ni mentor, simple philosophe contemporain car il était aussi de ce monde, témoin parmi d’autres mais au récit singulièrement unique. Et d’une croyance en l’empirique, il baptisa son dernier bateau « Tamata » qui veut dire « essayer » en polynésien.

« Le chercheur de Vérité rencontre toujours un Maître sur son chemin. Il en reçoit l’enseignement et s’en va au bout d’un temps pour creuser dans la solitude, sûr d’atteindre la Vérité. Puis le doute arrive avec la fatigue et il cherche un nouveau Maître qui l’éclairera davantage. Ainsi de suite jusqu’au jour ou il comprend enfin que l’enseignement du Maître se limite à la pelle qui sert à creuser.
Car le Maître ne peut enseigner que sa propre technique pour fabriquer l’outil. C’est le chercheur de Vérité qui devra le faire, adapté à sa main qui est unique au monde. Certains auront besoin d’une pelle étroite et bien pointue. D’autres la voudront large et arrondie, un peu plate ou très creuse. Le manche aura toutes les formes possibles, court, long, mince, gros, en bois souple ou en bois raide, droit ou légèrement cintré vers le haut ou vers le bas. Cela dépend de chacun et nulle pelle ne sera tout à fait comme une autre.
Mais de toute manière, chacun est seul pour creuser. Et la forme de la pelle a bien moins d’importance que la Pensée, la sueur et la foi avec lesquelles chacun de nous fera son trou pour y chercher la Vérité. »
Bernard Moitessier – Tamata et l’Alliance.

Avant tout la certitude qu’il n’y a pas de modèle ni d’exemple à suivre, seulement des voies à découvrir soi même et à « faire découvrir aux autres », et cela, Bernard l’a fait mieux que quiquonque concluait un compagnon de vagabondage quelque part sur une mer.

Fin du 7éme mois à Nouakchott.

Et je ne pourrais conclure sans éclairer « le projet » de Bernard Moitessier qui avait cette clarté ultime de n’être pas un projet mais l’essence même d’une quête de soi porté au firmament de la Vérité, trouvée au gré de la communion d’une vie avec la mer et les hommes.

Je pense à vous.
Amitiés
Vincent

Tuesday, April 20, 2004

Sous le ciel de Chinguetti

Aucun des interstices de la porte et des volets en bois de ma chambre ne laisse traverser la lumière et pour cause puisque seules les étoiles brillent et scintillent dans le ciel de Chinguetti ce matin.
La lune décroît, jour après jour, et flâne chaque matin dans le ciel, comme si ces brèves rencontres matinales avec le soleil laissaient place à quelques échanges langoureux entre ces deux astres. Partage d’un espace, de l’espace et du temps.
Seuls les chants religieux des Imams appelant les fidèles à la prière ont interrompu mon sommeil. Je m’y suis désormais habitué et j’aime ces intermittences du somme. Je rassemble mes affaires et referme la porte bleue de ce havre située sur les remparts de l’auberge des caravanes, offrant une vue lointaine et dégagée sur la mer de sable et sur l’oued entre la vieille ville et les nouveaux quartiers.
Chinguetti est un petit village aux maisons basses, aux portes du désert, dont l’absence de raccordement au réseau électrique lui apporte la richesse sereine d’un vrai silence et offre généreusement à ses visiteurs et ses habitants la perception rare de la pureté des sons. J’aime à imaginer ce qu’était cette cité située sur le long chemin des pèlerinages à la Mecque et qui, comme tout carrefour des routes religieuses et commerciales, a figé l’espace d’un temps perdu la richesse, la connaissance, la mixité et l’échange.
Déjà se pressent, à la faveur d’une température clémente, charrettes, ânes et dromadaires guidés par des hommes aux boubous bleus ou blancs flottant au vent, qui à cette heure esquissent les ombres d’un jour naissant. Quelques coqs anticipent les premiers rayons du soleil pour réveiller les âmes endormies, les ânes hennissent, les chèvres bêlent.

Arbi est déjà levé ce matin. Il a plié son paquetage, fait sa prière.
Sidi, lui, jeune homme fait de bonté et de calme, apparaît la tête enturbannée. Image d’un homme tel que j’imagine ceux qui de tout temps arpentent le désert, du sable, de la torpeur, de l’eau rare, du thé, des caravanes. Quelques poignées de mains chaleureuses et encourageantes, il nous remet un paquet de sucre blanc, un sachet de menthe fraîche.
Après une courte prière à demi voix, Arbi démarre et nous prenons ce matin la route de Nouakchott. Fin de quelques jours de repos, parcourus d’instants de fraîcheur dans des oasis à croquer des carottes à la saveur subtile, à jouer au jeu local de dames, à visiter l’Histoire de l’homme, peinte il y a des milliers d’années sur des rochers au milieu de nul part, à boire le thé, des heures durant, et parler de tout et de rien, à visiter quelques bibliothèques privées gardant tant bien que mal les trésors des écrits anciens des époques glorieuses de l’Islam.
Après quelques kilomètres vers l’ouest d’une piste récemment damée, je ne regarde plus que dans mon rétroviseur pour voir le ciel nous offrir ses plus beaux auspices et chaque rocher se teinter de couleurs magiques sur la palette d’un peintre fou.
Tout deux, nous avons déjà en tête depuis quelques jours de ne pas descendre par la route goudronnée construite il y a quelques années mais de tenter d’emprunter l’ancienne voie qui conduisit des générations de caravanes et les premières automobiles d’Atar à Chinguetti et dont le nom raisonne en moi depuis les premiers rallyes qui franchirent ces hauts plateaux quand j’étais enfant.
L’exercice n’est pas simple car cette piste n’est plus entretenue et nous pouvons être amenés à rebrousser chemin s’il est obstrué par des pierres. Arbi semble confiant depuis que le gardien solitaire et sage des peintures rupestres que nous avons visité non loin lui a affirmé avoir vu deux véhicules la franchir quelques jours auparavant. Il ne ment pas. Il est pieux.
L’ouverture de cette parenthèse inouïe qui suspend le temps débute dans les décors cinématographiques de Fort Saganne, aujourd’hui en ruine mais hier…
La voiture franchie lentement et parfois chaotiquement les rochers et entame une longue descente dans un canyon escarpé, dont l ‘étroitesse laisse place au détour d’un virage à une plaine fleuretant avec l’horizon des cols, des falaises. Par les vitres ouvertes, pénètrent les bruits parfois inquiétants des pneus se déformant sous la contrainte des pierres anguleuses, et des chocs entre quelques rochers plus affleurant avec les bas de caisse de la voiture. Il nous faut vérifier parfois que l’étroitesse du chemin nous permet bien de franchir ces obstacles.
Dans le froid du matin, défilent lentement le travelling d’un décor sans égal. L’âme des nomades, le courage des bâtisseurs, la fougue sportive des pilotes rivalisent de pouvoirs suggestifs.
Une fois libérée du joug de ces falaises et de la lenteur imposée à notre convoi, nous croisons quelques bergers comme échoués là mais sûrement pas sans raison.
Peu de mots sont échangés et Arbi m’impose le sentiment que ce spectacle est aussi pour lui un émerveillement bien qu’il l’est déjà franchi si souvent de part le passé. Nous nous arrêtons, une fois les difficultés désormais derrière, pour boire le thé à l’abri de rochers, refuges rares et providentiels.
Arbi ne peux s’empêcher de sourire lorsque nous nous apercevons qu’il y a, à nos pieds, les traces d’une présence humaine… celle de l’époque ou les haches de pierre s’aiguisaient sur les rochers ! Des bi-faces, les stigmates d’une présence ancienne.
Trois verres de thé sont bus, patiemment fruits d’un cérémonial de préparation méthodique. Je n’ai pas encore percé le mystère de la signification exacte de cette tradition presque rituelle. Le premier verre serait amer comme la vie, le second doux comme l’amour, le troisième suave comme la mort. La multitude de versions différentes que les mauritaniens m’ont rapportée, ne serait-ce pas là l’expression de l’exercice de synthèse simple et pourtant si souvent vain que nous recherchons tous ?
Nous ne pouvons hélas pas nous attarder dans ce dédale de cirques, de plaines, de falaises car la route est encore longue et quittons en silence ce sanctuaire qui faute d’entretien sera amené à disparaître, faute d’être praticable.
Le souvenir de la passe d’Amogjâr lui restera.

J’engrange humblement ces lumières, ces espaces, ces silences, ces partages pour tenter que les départs soient moins déchirants, les séparations guérissables, les choix pensés, l’éloignement supportable, l’isolement créatif.

Fin du sixième mois en Mauritanie


Je pense à vous

Et pour poursuivre la série d’éclairages des projets qui me nourrissent d’admiration tant ils sont l’expression d’une passion qui va si bien à ceux qui la vivent je vous recommande sans modération de passer par la galerie de Xavier, rue des St pères, au numéro 16, cour intérieure. Autre havre sans aucun doute.

Vincent

Tuesday, March 09, 2004

un petit bout de moi...

Vous allez vous dire, sans doute, que je commence à prendre cet espace de parole et votre temps de lecture pour une psychothérapie autodirigée. C’est sûrement vrai, en partie au moins. Mais une fois n’est pas coutume. Dans cette ville et dans ce pays ou l’on nourrit contraint et forcé sa vie intérieure faute de pouvoir structurer une vie sociale au moins normale à défaut d’être satisfaisante, il me va assez bien de laisser aller parfois l’écrit au gré de mes frustrations et de mes plaisirs afin de trouver ici un espace finalement de conversation par l’espoir de vos réponses, toujours si plaisantes. Serait-ce aussi une conversation avec moi même ?

Ici se cristallisent plus qu’ailleurs peut être les manques. Mais l’effort à passer au delà n’est pas vain pour un peu que j’y mette les moyens. Xuan, Manu, Xavier, Sandrine, Patrice, Tania m’ont contraint, dans mes retranchements, à me reposer la question du pourquoi. Pourquoi être loin, pourquoi continuer, pourquoi cette attrait pour cette intermittence de vie, pourquoi ces écrits et pour qui, pour vivre quoi, pour quelle liberté, pour quoi faire… ?

Je ne sais pas, je ne sais plus si ces questions appellent à cet instant forcément une réponse. Non, je ne m’enfonce pas dans la solitude et finalement bien au contraire… ! Mais n’y a t’il pas besoin de nourrir cette infinie et si belle solitude qu’est l’espace ultime du moi, recouverte souvent d’une pudeur légitime et parfois à tord de culpabilité. Le sceau inviolable d’un jardin des secrets. Aux frontières ou seul notre image consciente nous regarde, accompagnée des esprits, des choses, des éléments du passé auxquels nous voulons bien accorder une place dans cette discussion avec soi.

Alors qu’est franchie une nouvelle année, je découvre que finalement ce coté du prisme de l’individu est d’une richesse sans fin pourvu qu’il soit nourri. Bien sur, il l’est par essence, aussi et toujours, dans le partage social, dans l’amitié, dans sa famille, dans l’amour, dans la lutte contre soi aussi. Est ce suffisant ? Peut être mais peut être pas. Ou se trouve in fine le siège d’une dynamique de projet, le conscient d’une action, la satisfaction ultime de n’être jamais seul, l’émotion suscité par un livre ou par un film, par un visage souriant ou bien triste ? Dans la conscience joyeuse d’exister plus que dans l’existence elle même. Conscience, qui comme je la lisais chez Osman Dan Fodio, est une plaie ouverte, seule la vérité peut la guérir.

Le temps passe vite, si vite écrasé par le travail. La saison des vents de sable a débuté. Le ciel et la terre sont en fusion monocolore. Nouakchott se réveille parfois sous une couche d’une neige qui ne fondra pas. Les pécheurs restent à terre. Le soleil se voile et invite pour une fois à le regarder sans peur, la lune a emprunté sa couleur à la palette d’un peintre talentueux.

Fin du Quatrième mois en Mauritanie.

Je ne puis résister ce mois-ci à vous orienter sur le projet de Philippe, aux tours du monde, autour du monde à qui je pense souvent et qui fut aussi à la source… 
www.renault.com (rubrique un tour du monde en Renault Scénic)

Je pense à vous

Je vous embrasse
Vincent

Wednesday, February 11, 2004

Un verre de thé ?

A toutes et tous,

Ce mois ci j’avais envie de vous parler du projet. Non, pas celui sur lequel je travaille mais de ce qui, finalement, doit naître un peu en chacun de nous pour souffler un vent de volonté dans les voiles de nos actions.

Lors d’une vacation radio récente entre deux navigateurs qui font le tour de la terre dans un sens opposé et sur des embarcations radicalement différentes, chacun affirmait ne vouloir pour rien au monde être à la place de l’autre, susceptible d’endurer de pires conditions de vents et de mer. Après un certain silence, l’un d’entre eux presque honteux de lancer un truisme sur des ondes précieuses, concluait «qu ‘être en phase avec son projet, c’est sans doute cela la définition du bonheur».

Et là je me suis mis à penser à chacun d’entre vous, à vous imaginer dans vos projets respectifs et bien réels, de mariage, de naissance, d’achat de maison, de voyage au Vietnam, de peinture, de création d’entreprise, d’examens, de tour du monde, d’anneau aortique, de site Internet, de romans, de scénarii, de changement de vie; et pourquoi pas ? Et combien d’autres encore ?

Chacune de ces initiatives porte en elle un pas supplémentaire vers une certaine connaissance de nous même et d’autrui. Elles alimentent inexorablement l’envie que nous avons de nous suivre les uns les autres dans ces expériences et de se sentir plus riches car mieux armés de la capitalisation de toutes ces tranches de vie. Chacun de ses projets porte en lui l’admiration et le partage.

Et j’ai bien peu modestement la douce impression que peu importe le lieu ou pour ma part je plante le campement de mon projet, vous y êtes de toutes et tous de passage, comme « des moments les plus intenses ».

« Pendant les heures chaudes de la journée, alors que la brume à l’horizon semble se confondre avec les songes, la vie au campement est ralentie. Les jeux, les discussions et le thé occupent une grande place entre les instants de sommeil, les repas et les prières. Les jeux variés et souvent complexes, exécutés à même le sable avec des bâtonnets et des crottes de chameau, ont sans doute été conçus pour répondre à l’ennui, quand la chaleur impose une certaine inactivité. Les moments les plus intenses interviennent lorsque le campement reçoit une visite. L’étranger est accueilli par des salutations rituelles et se voit offrir une calebasse de lait coupé avec de l’eau et du sucre pour le rafraîchir, le zrig, puis les trois verres de thé. La règle tacite permettra au visiteur de rester au campement pendant trois jours, « jusqu’à ce que le sel de l’hospitalité soit sorti de son ventre ». Cette hospitalité présente dans le désert un caractère vital car elles permet aux hommes et aux femmes de partager aussi des informations sur le temps, les pâturages ou les mouvements de campements. Avec le soir, les chamelles retournent vers les tentes et l’on boit du lait en savourant la douceur de l’air. La nuit tombe, envahie peu à peu par un ciel criblé d’étoiles jusqu’à l’horizon. »
(Extrait de Entre Sahara et Atlantique, le Parc National du Banc d’Arguin ) Pierre Camprebon.

Amitiés